La Chine repousse ses frontières dans l'indifférence générale

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A chacun d’apprécier.........

  

Visiblement “bouffer” du riz ne lime pas les dents..........

La Chine repousse ses frontières dans l'indifférence générale

  
Régis Soubrouillard - Marianne | Mercredi 9 Mars 2011 à 15:01 | Lu 6524 fois
  

L'information est passée inaperçue mais au début de l'année 2011 la Chine s'est emparé d'1% des terres du Tadjikistan réglant un conflit frontalier vieux de 130 ans. Pékin entreprend depuis 20 ans de régler ses contentieux territoriaux pour mieux se protéger et étendre d'autant ses zones d'influence commerciales, militaires et diplomatiques.



La Chine repousse ses frontières dans l'indifférence générale
La Chine sort de ses frontières. Au sens figuré. La presse déborde d’articles sur l’expansion économique chinoise, sa montée en puissance fulgurante, la multiplication des acquisitions partout dans le monde par ses fonds souverains ou grands groupes dans le pétrole, les ressources naturelles, l’immobilier, le secteur financier, jusqu’aux installations portuaires avec le Port du Pirée…

Au sens propre aussi. La Chine a faim de territoires, soif de repousser les limites de ses frontières, de déplacer toujours un peu plus loin la Muraille de Chine. Premières victimes, ses voisins évidemment. Le « petit » Tadjikistan qui partage quelques centaines de kilomètres de frontières avec l’Empire du Milieu a ainsi cédé 1122 km2 de son territoire à la Chine en janvier dernier, mettant fin à un long conflit qui remonte à 1884 lorsque le pays faisait partie de la Russie tsariste. Mille kilomètres, c’est peu. Certes. Mais c’est déjà beaucoup : presque 1% de sa superficie pour un territoire 5 fois plus petit que la France. Aucun des deux pays n'a souhaité communiquer le chiffre des populations concernées. Le Tadjikistan n’a guère eu le choix et se sort plutôt bien des négociations : l’ogre chinois réclamait 28.000 km2, ce qui aurait amputé le pays du quart de sa superficie !   Ils réclameront les reste un peu plus tard.....

« Selon la Constitution, notre territoire national est indivisible »
a dénoncé l'opposition tadjike islamique, qui estime que ce transfert représentait une défaite pour la diplomatie nationale.

En retour, le Tadjikistan bénéficierait « de crédits privilégiés et autres aides financières ». Une coopération dont la république tadjike estime ne pas pouvoir se passer afin d’assurer la stabilité et la sécurité de ses frontières à long terme. La Chine est, par ailleurs, le plus grand investisseur dans l'économie tadjike, en particulier dans les secteurs de l'énergie et des infrastructures. Goutte d’eau dans un océan de territoires, le Tadjikistan n’en recèle pas moins des enjeux stratégiques et symboliques pour les Chinois. En 1998 et 1999, la Chine avait récupéré 1000 km2 de territoires comprenant une rivière et une mine d’or. Avec le haut plateau du Pamir, l’empire du Milieu entendait, cette fois, récupérer des territoires sur lesquelles, elle estime avoir des droits historiques, en raison de la présence de stèles et de tombes chinoises.

Difficile pour ne pas dire impossible  de répertorier tous les contentieux territoriaux que la Chine tente de régler pacifiquement, depuis 20 ans, avec ses 14 voisins. Une démarche de « statu quo territorial, condition de l’influence au-delà » selon le géographe Michel Foucher qui l'explique dans La bataille des cartes.
  
Quand Mao annonçait une facture territoriale salée
Statu quo, certes. Pour autant Pékin, n’a pas renoncé à ses desseins historiques. Ainsi à brève échéance, écrit toujours Michel Foucher, « le régime entend assimiler définitivement les étendues occidentales de son territoire. Siniser, équiper, contrôler, désenclaver, intégrer le vaste Xinjiang ». Voie d’accès à l’Asie centrale, cette région non chinoise annexée en 1884, connu autrefois sous le nom de Turkestan oriental fut rebaptisé à bon escient sous le nom de Xinjiang, littéralement « nouvelle frontière ».     

La Russie est également un « client » privilégié. Malgré la signature d’un traité de bon voisinage entre Jiang Zemin et Vladimir Poutine en juillet 2001, la Chine continue à faire des yeux doux à sa poupée russe. Et de quelle manière. Station Terminus du Transsibérien, depuis toujours la Chine rêve de Vladivostok. Ironie de l’histoire, en 2009, un comité d’experts russe proposait à la Chine de lui louer le quartier…Lénine pour y installer l’administration de la ville d’Harbin. Une concession de 75 ans pour la modique somme de 150 milliards de roubles, soit près de 3 milliards d’euros, ce qui représente plusieurs fois le budget de la ville. Une somme rondelette qui aurait permis à Moscou de maintenir en état la flotte pacifique de cette base militaire.

Face aux réactions hostiles de la population, la ville a rapidement nié l’existence d’un tel projet. Il n’empêche, les observateurs russes affirment que  malgré le traité de bon voisinage, Pékin « a renoué avec un programme destiné à récupérer des terres qui se trouvent sous juridiction russe. Les manuels scolaires parlent de territoires pris par la Russie au XIXe siècle et de dignité nationale bafouée. Les villes proches de la frontière ouvrent des musées exposant des copies de traités et d'accords, d'anciennes cartes de géographie, des chroniques historiques dont il découle que les Russes vivent sur des terres chinoises » écrivait en septembre 2009 un journal moscovite. Evoquant les territoires perdus par la Chine au profit de la Russie au 19è siècle, Mao avait été clair : « Nous n’avons pas encore présenté la note sur ce chapitre » avait prévenu le Grand Timonier. L’empire chinois s’étendait alors sur 12 millions de km2. Le territoire actuel ne couvre que 9,6 millions de km2.

Un grignotage territorial lent mais précieux
Zones contestées à la frontière sino-soviétique en 1969 (cc wikimedia commons)
Zones contestées à la frontière sino-soviétique en 1969 (cc wikimedia commons)
 
Grignotage territorial en Asie centrale, politique de migrations en Asie du sud-est, soft-power ailleurs, l’addition arrive doucement. La Russie et ses anciens satellites mettent tous un peu la main à la poche. Eldorado agricole, le Kazakhstan en a fait les frais abandonnant 7000 hectares de terres arables, sous forme de locations de 10 ans. Pour la Chine, qui souffre d'une pénurie de terres cultivables, l'Asie centrale est un paradis. D’où, là aussi, la multiplication de contentieux territoriaux qui portent sur des centaines de milliers d’hectares. Les territoires tombent comme des dominos. En 1999, le Kazakhstan livrait 500 km2. En 2004, le Kirghizstan concédait une parcelle de territoire le long d’une frontière de 900 kilomètres. Autant de règlements de contentieux territoriaux, toujours au profit de la Chine.  

« Les accords de délimitation sont passés entre les États et concluent de longues négociations. Ils valent reconnaissance des nouvelles réalités géopolitiques, l’exemple vaut pour les limites post-soviétiques qui ont changé de statut avec les accords passés par la Chine avec les Etats d’Asie Centrale » analyse Michel Foucher.

Négocier des frontières pour mieux les surveiller
L’autre géant asiatique, l’Inde est un voisin encombrant avec lequel  Pékin a multiplié les conflits de frontières au cours du 20ème siècle et a le plus de mal encore aujourd’hui à régler ses contentieux. Ce n’est que depuis le début des années 2000 que s’esquisse un timide rapprochement. Malgré la persistance de deux problèmes majeurs (l’Aksai Chin, région stratégique reliant le Tibet et le Xinjiang, et l’Arunachal Pradesh, lieu de la guerre sino-indienne de 1962), les deux pays ont compris qu’il fallait jouer « gagnant-gagnant » face aux nouvelles menaces notamment islamistes. Selon Michel Foucher, la  plus grande visibilité des frontières est la condition même de leur ouverture : « Leur fonction de barrière s’efface localement, même entre l’Inde et la Chine, qui ont besoin de passages et de cols pour le transit himalayen alors que de graves contentieux territoriaux persistent au point que cette dyade est la seule de l’enveloppe chinoise à ne pas avoir fait l’objet d’un accord définitif. Cette réaffirmation a donc deux dimensions, conformément à la méthode qui préside à la définition des frontières internationales, délimitation suivie d'une démarcation sur le terrain ». Négocier pour mieux surveiller.

Objet de toutes les attentions occidentales, veillé par les « people » pseudo-bouddhistes du monde entier, le Tibet est un cas à part. Toit du monde et véritable château d’eau de la Chine, il fait l’objet d’un afflux de colons chinois depuis les années 50. Pékin lui a offert la voie ferrée rapide la plus haute du monde, élément dans sa stratégie de conquête commerciale de l’Asie du Sud. Depuis les populations Han qui bénéficient d’incitations au peuplement de la province pressent de s’y établir. Sans forcément consentir à l’avènement d’une théocratie tibétaine et s’émouvoir à chaque parole de paix prononcée par le réincarné le plus populaire de la planète, on admettra au moins avec le sinologue et écrivain Simon Leys que « le Tibet est autant chinois que l’Algérie était française »…
 
 

Publié dans Chine

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