Croire que la réforme programmée du Traité renforcera la solidarité européenne serait une grave erreur

Publié le par leventdelavie.over-blog.fr

Je ne vois rien à rajouté.......

Europe plus solidaire... avec les marchés?

Les économistes atterrés - Tribune | Dimanche 13 Mars 2011 à 07:01 | Lu 1255 fois
 
Nous publions ci-dessous une tribune du collectif des Économistes atterrés, qui critique le futur (et éventuel…) pacte pour l’Euro. Les Économistes atterrés, souvent situés à gauche, ne préconisent pas la sortie de la monnaie unique.


  
Une « gouvernance économique » pour tirer vers le bas
La Commission propose un « Pacte pour l’euro » visant à radicaliser la logique du « Pacte de stabilité et de croissance », qui a pourtant totalement échoué. Le projet présenté le 11 mars à l’Ecofin maintient la limite de déficit budgétaire de 3 % du PIB, l’objectif d’équilibre à moyen terme et la contrainte de réduire les déficits structurels d’au moins 0,5 % par an. Les pays dont la dette dépasse 60 % du PIB pourront être soumis à une « procédure pour déséquilibre excessif » s'ils ne diminuent pas leur dette à une vitesse prédéterminée, indépendamment de la conjoncture. Ils encourront une amende de 0,2 % de leur PIB.

 Non contente d'avoir une « Banque centrale indépendante » de tout pouvoir démocratique, la Commission propose la création d'une « institution budgétaire indépendante » qui vérifierait le respect des règles budgétaires européennes. Afin d’assurer la quasi- automaticité des sanctions, elle réclame l’obligation d’une majorité qualifiée au Conseil pour s’opposer aux mesures et aux sanctions qu’elle préconise. La Commission se propose de surveiller les déséquilibres macroéconomiques excessifs en suivant un tableau de bord de variables (coût salarial, déficit extérieur, dettes publique et privée), parmi lesquelles le taux de chômage ne figure évidemment pas. Mais la surveillance ne tirera que vers le bas
: on ne sanctionnera pas les pays qui pèsent sur les autres par des politiques budgétaire et salariale trop restrictives. On ne les incitera pas à accroître leurs salaires ou leurs dépenses publiques pour converger vers le haut avec d’autres pays.

 La Commission reste dans sa vision néolibérale : il lui faut contrôler des Etats membres gaspilleurs et indociles. Peu importe que la crise ait montré la responsabilité écrasante de la finance dans l’instabilité économique.

Le gouvernement allemand, avec l’aide de la France, avait fait pression sur la Commission avec un projet de « Pacte de compétitivité pour la convergence » - une belle contradiction dans les termes. En échange de sa participation au Fonds, l’Allemagne veut ainsi avoir un droit de regard sur les institutions et les stratégies des autres pays. Le « Pacte de compétitivité » visait notamment la suppression de l’indexation des salaires sur les prix, l’ajustement de l’âge de la retraite à 67 ans partout, l’introduction dans les Constitutions d’un plafond à la dette... Le « Pacte pour l’euro » ne reprend pas ces dispositions à la lettre mais en conserve l’esprit : libéralisation des secteurs protégés, modération salariale, réforme des retraites en ligne avec l’espérance de vie, introduction de « freins à la dette » dans les législations nationales..

D’autres politiques vraiment solidaires sont possibles
Jusqu'à présent les décisions et les projets évoqués n'ont même pas suffi à rassurer les marchés financiers. Mi-février 2011, les taux imposés par les marchés pour les titres à 10 ans étaient de 3,2 % pour l’Allemagne, 3,55 % pour la France, mais de 4,8 % pour l’Italie, 5,35 % pour l’Espagne, 7,45 % pour le Portugal, 9,1 % pour l’Irlande, 11,7% pour la Grèce. Les marchés financiers anticipent une cessation de paiement de ces derniers pays et certains opérateurs misent sur un scénario d’éclatement de la zone euro. Pour continuer (combien de temps ?) à honorer leur dette, les pays attaqués doivent supporter des taux d’intérêt élevés, adopter l'austérité budgétaire et réduire leurs salaires pour rétablir leur compétitivité. Cela les condamne à une longue période de stagnation et de chômage qui empêchera in fine une réelle réduction des déficits.

Le débat sur la gouvernance économique peut-il faire l’impasse sur les leçons de la crise? Celle-ci est due à des stratégies économiques partout basées sur la pression sur les salaires et les dépenses publiques, la baisse de la demande étant compensée par des gains de compétitivité pour les pays néo- mercantilistes (Allemagne), ou par des bulles financières et immobilières et la croissance de l’endettement des ménages dans les pays anglo-saxons et les pays du Sud de l’Europe. La faillite de ces deux stratégies a obligé les États à laisser filer les déficits publics pour limiter la récession.
Réduire ces déficits ne peut se faire qu’après avoir défini un autre modèle économique qui devrait s’appuyer d’un côté sur une augmentation de la part des salaires et des revenus sociaux, dans les pays néo- mercantilistes comme dans les pays anglo-saxons, de l’autre sur une nouvelle politique industrielle, visant à organiser et à financer le tournant vers une économie durable.

Les difficultés des finances publiques avant la crise proviennent de la stratégie de concurrence fiscale organisée. La restauration des finances publiques passe par la lutte les déficits publics, il faut accroître la taxation des revenus financiers, des plus- values, des hauts revenus dont le gonflement est une des causes de la crise. À l’échelle européenne, cela passe par une stratégie d’harmonisation fiscale, fixant des taux d’imposition minimale pour les entreprises, les revenus élevés, les patrimoines, garantissant à chaque pays la possibilité de taxer ses entreprises et ses résidents.

Contre l’évasion fiscale et les paradis fiscaux.

Pour réduire Faire vivre l’Europe suppose un changement total de paradigme. L’Europe ne doit pas viser à imposer l’austérité sans fin, mais à faire vivre un modèle spécifique de société qu’il faut profondément renouveler. Certes les économistes critiques ne sont pas tous d’accord sur la nature de ce renouvellement. Certains d’entre nous souhaitent que l’Europe s’oriente vers une croissance soutenable, un « green new deal ». D’autres préconisent plutôt de bifurquer vers un modèle alternatif où le « bien-vivre » ne serait plus mesuré par le PIB. Nous ne sommes pas non plus unanimes sur toutes les mesures à privilégier pour sortir de l’impasse actuelle qui menace l’avenir de la construction européenne. Certains d’entre nous estiment que l’Union européenne devrait garantir l’ensemble des dettes publiques des pays membres, ce qui enlèverait toute justification aux primes de risque actuellement exigées par les investisseurs financiers pour acquérir des obligations des États les plus soupçonnés d’insolvabilité. D’autres pensent que les dettes publiques, largement illégitimes du fait de leur origine (les baisses d’impôts sur les riches, la crise financière, le sauvetage des banques), devraient être d’abord restructurées, et même pour une large part dénoncées. C'est le débat démocratique qui doit se développer et permettre au bout du compte aux peuples de décider.

Cependant nous sommes unanimes à penser qu’il faut réformer les traités européens pour réduire l’importance des marchés financiers, desserrer l’étreinte qu’ils font peser sur les peuples et construire une véritable solidarité entre les pays, qui repose sur la coopération et l’harmonisation dans le progrès.

Une première exigence pour affranchir les États de la tutelle des marchés financiers, est de garantir le rachat de titres publics par la BCE, si nécessaire. Les États doivent pouvoir se financer directement auprès de la Banque centrale européenne à bas taux d'intérêt. Il n’est pas supportable que les banques privées fassent des profits records en prêtant aux États à des taux prohibitifs alors qu’elles se financent à un taux très faible auprès de la BCE.

Une deuxième nécessité est de reporter les coûts de la récession et les pertes des banques sur leurs actionnaires et sur les ménages les plus aisés. Il est inacceptable d'imposer le chômage, la précarité et les baisses de salaires pour préserver la finance
. Les profits et les bonus records des banques en 2010 sont indécents. Les citoyens islandais ont montré la voie en refusant par référendum de payer pour les folies de leurs banques. Les Grecs et les Irlandais ont exprimé haut et fort leur refus de continuer dans cette voie. Il faut en changer.

Une troisième urgence est de désarmer la spéculation qui continue à sévir contre la Grèce, l'Irlande, le Portugal, l'Espagne
... Taxer les transactions financières, à commencer par les transactions impliquant l’euro; réguler strictement les marchés de produits dérivés, notamment ceux basés sur les matières premières et agricoles ainsi que les CDS (ces titres d’assurance contre la faillite d’un État qui se sont transformés en outil de spéculation contre les mêmes États) ; limiter drastiquement l’activité des fonds spéculatifs et en particulier les « effets de levier » qui multiplient les opportunités et les risques de la spéculation ; interdire la spéculation pour compte propre des banques et démanteler celles qui sont « trop grosses pour faire faillite »... Autant de décisions urgentes qui ne peuvent plus être retardées.

Le quatrième impératif est d’instaurer des politiques économiques européennes coopératives. Au lieu de privilégier toujours et partout la concurrence et les ajustements vers le bas, il faut faire pression sur l'Allemagne – et appuyer les mouvements sociaux allemands – pour accroître les salaires et les prestations sociales afin de réduire ses excédents commerciaux qui déstabilisent toute l'Europe. Il faut faire cesser la concurrence fiscale qui mine les recettes publiques des pays de l'Union, en harmonisant vers le haut l’imposition des sociétés. Il faut rétablir les finances publiques en annulant les contre- réformes fiscales néolibérales et en restaurant une fiscalité progressive. Il faut créer une vraie solidarité budgétaire européenne par l’instauration d’une fiscalité unifiée sur les transactions financières et les énergies fossiles... Croire que la réforme programmée du Traité renforcera la solidarité européenne serait une grave erreur. Au contraire cette réforme resserre l'étau de la finance sur l'Union européenne. Elle valide les plans d'austérité déjà imposés et prépare leur généralisation. Elle poursuit obstinément la course de l'Union européenne vers l'implosion.


Le site des Économistes atterrés..atterres.org
 
 

 

Publié dans Coup de gueule

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